Un autre lieu magique et secret : la porte du Temps

« Il existe à venise trois lieux magiques et secrets : l'un dans la "rue de l'Amour des Amis", le deuxième près du "pont des Merveilles", et le troisième dans le "sentier des marranes" [Nota : et pas le "sentier des marauds", comme une très médiocre traduction française le prétend !], près de San Geremia, dans le vieux Ghetto. Quand les Vénitiens —parfois, ce sont les Maltais— sont fatigués des autorités, ils vont dans ces lieux secrets et, ouvrant les portes au fond des cours, ils s'en vont pour toujours vers des pays merveilleux et vers d'autres histoires... »

Telle est la phrase énigmatique sur laquelle prend fin l'album Fable de Venise d'Hugo Pratt, une des plus oniriques aventures de son héros Corto Maltese. Pratt n'en dira pas plus sur la localisation précise de ces "portes" qui permettent de passer d'un univers à l'autre et de voyager à travers l'espace et le temps. Ce qu'il ne dit pas non plus, c'est qu'il existe un quatrième portail, dans une petite corte perdue où personne ne va jamais, un magnifique portail de marbre rose posé là, sous un sotoportego bien banal, ne serait pour les énormes formes animales, visiblement très anciennes, sculptées à l'entrée...

Si Pratt ne parle pas de ce portail-là, c'est qu'il est déjà, par son étrange magnificence, tout à fait incongru, improbable, impensable en un tel lieu ; sans doute l'érudit qu'était Pratt a-t-il jugé qu'il attirait déjà bien assez l'attention sans insister encore sur son existence dans un ouvrage publié en 1981...

Savoir où il est, c'est une chose ; mais encore faut-il savoir aussi comment l'utiliser... car il ne suffit pas d'y passer pour que le portail devienne actif, et heureusement encore ! Il faut savoir comment... eh bien, disons, comment "l'allumer"... Mais cela, c'est bien sûr une autre histoire, et ne comptez pas sur moi pour la divulguer publiquement. Pour cette fois, il vous faudra vous contenter des photos...


Les étranges et très anciennes formes animales sculptées :






... Et le portail magique :






Un détail d'un angle :

À en juger par le nombre de visiteurs qui sont venus voir ce sujet, celui-ci jouit d'une forte popularité, ce dont je ne peux que me réjouir... d'autant plus que parmi ces visiteurs, il s'est trouvé au moins un "initié" qui m'a signalé que, contrairement à ce que je croyais (et écrivais ci-dessus), ce ne sont pas quatre, mais sept portails magiques qui existent à Venise.

Cet initié m'a confié que ces portails sont reconnaissables en ce qu'ils présentent toujours la même apparence : une grande arche carrée en marbre rose presque brut, dont les angles droits tranchent par rapport aux habituelles courbes harmonieuses que l'on voit à Venise. En revanche, sa générosité ne s'est pas étendue jusqu'à me dire où se trouvaient les trois portails dont j'ignorais l'existence... ni bien sûr jusqu'à m'expliquer comment les faire fonctionner...

Pure chance ou signe du destin ? Toujours est-il qu'au cours de mon voyage suivant à Venise en novembre 2009 (et en dépit de la brièveté de celui-ci), j'ai en effet constaté l'existence de deux autres de ces mêmes portails, dont je me suis empressé de faire des photos à l'attention de celles et de ceux qui, apparemment, suivent ce sujet avec attention...

Le premier portail ayant été muré (sage précaution, en un sens, mais je frémis à l'idée de penser que quelqu'un, ayant emprunté ce passage, ait pu le retrouver clos lorsqu'il ou elle a tenté de revenir à son point de départ... ), je puis vous dire sans risque où il se trouve : c'est dans la calle del Traghetto San Samuele, côté Palazzo Stern :




Quant au second, il me semble encore terriblement "en état de marche". Aussi, pour éviter tout risque, je me bornerai à dire qu'il se trouve quelque part vers San Stae... Après ça, si vous aimez prendre des risques, c'est à vous de voir, et je ne serai responsable de rien !

Ayant identifié sans coup férir deux des trois portails énigmatiques que je ne connaissais pas encore, imaginez mon émotion lorsque je suis tombé devant celui-ci, solitaire et splendide, parfaitement incongru au milieu des médiocres petits immeubles début XXe de la calle Sagredo, dans le sestiere de Castello...

Puis, je me suis rappelé de ce que l'on m'avait dit : toujours du marbre rose, ce qui n'est pas le cas ici... De plus, ce portail-là est bien trop majestueux pour un dispositif qui, au contraire, s'efforce de se faire remarquer le moins possible ; ce n'est donc pas une "Porte du Temps" que cette magnifique arche que l'on a consolidée avec un pilier de briques, mais elle n'en mérite pas moins le détour !