"Lucifer's Shadow", par David Hewson

L'idée de départ est intéressante : faire coexister dans le même roman deux intrigues parallèles se déroulant toutes deux à Venise, mais l'une moderne, et l'autre située au XVIIIe siècle. C'est aussi une bonne occasion pour nous promener dans la décadente Venise des Lumières en faisant défiler des personnages "obligés" comme Vivaldi, voire Jean-Jacques Rousseau en guest star inattendue.

Hélas ! la bonne idée s'avère difficile à mettre en œuvre, et si le livre peine à s'animer, l'allure plus enlevée qu'il adopte passées les 100 ou 150 premières pages ne le met pas à l'abri des poncifs et autres grosses ficelles : on devine bien que le concerto écrit dans l'une des deux histoires sera le même que celui qui refait surface dans l'autre ; on n'a guère de doutes sur le fait que le Guarneri utilisé par l'héroïne d'une histoire et le violon massif dont on apprend l'existence au début de l'autre sont identiques ; et une fois connu le méchant de l'une des intrigues, on n'a aucun mal à identifier son équivalent dans la seconde, ni à deviner comment tout cela va finir.

Bref, on n'y croit pas beaucoup et les personnages, manquant d'épaisseur, ne nous aident pas. De plus, le livre est parsemé d'étranges clichés touristiques, comme aurait pu en saupoudrer un vulgaire Dan Brown qui écrirait sur Paris en essayant de faire croire qu'il connaît alors qu'il n'y a évidemment jamais mis les pieds (ça vous rappelle quelque chose ? ). C'est assez étonnant de la part de David Hewson, père spirituel de l'agente romain Nic Costa, mais il faut se rappeler que Lucifer's Shadow était son premier livre supposé se dérouler en Italie... peut-être l'abondance des poncifs vénitiens est-elle à mettre sur ce compte-là.

En conclusion, je ne recommanderai ce livre qu'aux fans absolus de Venise qui, peut-être, passeront quelques bons moments à le lire (par exemple, saviez-vous que, sauf à être riche et célèbre, les concessions au cimetière de San Michele sont pour dix années seulement ?), et d'autres à me maudire pour ne pas les avoir résolument découragés d'ouvrir ce qui, pour tous les lecteurs moins vénétianophiles, ressemblera sans doute à un pensum.

Lucifer's Shadow vient d'être réédité en Angleterre sous le titre The Cemetery of Secrets. Il est disponible en français sous le titre L'héritage vénitien.