Bon... J'ai vu "Mort à Venise"...
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Bon... J'ai vu "Mort à Venise"...
Je savais bien que ma culture cinématographico-vénitienne ne pouvait se satisfaire plus longtemps de l'absence à son palmarès de ce film de Visconti que certains n'hésiteront pas qualifier d'incontournable, au niveau du vécu.
Donc, j'ai acheté le DVD et, en compagnie de ma femme (qui l'avait vu —et adoré— il y a 25 ans) et d'un bon filet de saumon-salade verte (nourrissons notre sensibilié artistique sans oublier notre estomac pour autant), je me suis installé hier soir devant mon 16/9e pour prendre la mesure du chef-d'œuvre.
Ma femme m'avait tellement dit que ce n'était pas mon genre de film que je m'attendais au pire dans le genre "nanar prétentieux dans lequel des acteurs mal dirigés se regardent le nombril en essayant d'oublier l'absence de scénario (qui se prétend "dépouillé") et l'indigence des dialogues (qui se veulent "inspirés")" ; ce pire-là, en l'occurrence, étant pour moi le mémorable L'année dernière à Marienbad —qui, soit dit en passant, avait remporté le Lion d'Or à la Mostra de 1961, année de sa sortie. J'avais donc tout à craindre.
La première bonne surprise a été de constater que le film était en couleurs. Ce n'est pas que cela ait une importance particulière, mais moi qui m'attendais à un noir-et-blanc soi-disant esthétisant, je me suis senti agréablement pris à contre-pied.
La suite, il faut bien l'avouer, n'a pas été au diapason (et d'ailleurs, je ne suis pas un grand fan de Mahler ). D'abord, j'ai trouvé que Visconti abusait quand même pas mal des plans fixes interminables dans lesquels il ne se passe rien ou presque. Je sais, à l'époque ça faisait chic et intello, uniquement parce que Sergio Leone n'avait pas encore revisité le procédé. Après lui, c'est devenu ringard, jusqu'à ce qu'assez de temps se soit écoulé pour que l'on redécouvre Leone et qu'on le pare subitement de vertus que lui-même ne se serait jamais attribuées. En plus de ces plans larges de chez je-m'ennuie, j'ai été très (désagréablement) surpris de constater que Visconti, à qui on devait avoir montré ce qu'était un objectif zoom pour la première fois de sa vie à la veille du tournage, en usait et en abusait, à tel point qu'on se serait parfois cru dans Mission impossible (pas le film, la série des années 70) ou dans Mannix, le scénario en moins ; tous les étudiants de la FEMIS et d'ailleurs savent bien qu'au cinéma, on évite absolument d'utiliser le zoom qui déforme les perspectives et fait caméra-de-papa : c'est la caméra qui bouge, sur un travelling, mais la focale reste fixe.
Pas chez Visconti ! On a bien eu droit, tout au long du film, à une demi-douzaine de ces coups de zoom (avant ou arrière, voire les deux ! ) exaspérants et brutaux, que même Monsieur Hulot n'aurait pas osé nous infliger.
Disons-le clairement : en résumé, côté mouvements de caméra, on n'a pas été gâté.
L'histoire (à défaut de scénario) étant connue, restait à voir quels allaient être les moyens employés pour parvenir à la fin (je n'ai pas lu le bouquin de Thomas Mann).
Tout d'abord, il faut que je vous dise que je ne suis quand même pas un total Béotien. Je souligne d'ailleurs au passage que la réputation faite à cette charmante province voisine de l'Attique est honteuse, puisque c'est au milieu des Béotiens que les Muses —excusez du peu !— avaient choisi d'élire domicile, en l'occurrence sur le mont Hélicon... les Athéniens devaient être le genre de snobinards culturalo-égocentristes, pas très éloignés, somme toute, de nos Parisiens d'aujourd'hui, qui auraient adoré Mort à Venise —mais ne déflorons pas le sujet. Pas un total Béotien, disais-je, puisque, pour ne parler que de cinéma, je considère Blow-Up, d'Antonioni, comme un film remarquable, et pas parce qu'un photographe en est le personnage principal. Pourtant, question solidité scénaristique et mouvements de caméra qui vous clouent au fauteuil, y a mieux. Si vous n'êtes pas convaincu par cette référence, laissez-moi vous dire que j'aimais déjà les Gnosiennes de Satie avant que je ne sais quelle Pythie de la nuit nous les serine sur une radio périphérique (à moins que ce ne soit un philosophe, mais bref, c'était à la radio en tous cas) ; ça en dit long sur mes capacités à jouer les snobinards intello-chose, là, non ?
Eh bien, en dépit de ce casier judiciaire plutôt prometteur, je dois bien admettre, à ma grande honte, que passée la première demi-heure de curiosité pour un esthétisme un peu suranné et plutôt bien rendu, je me suis copieusement ennuyé devant les tribulations de ce malheureux compositeur bavarois, que j'ai ri sous cape en le voyant systématiquement interagir avec cet "ami" sur le mode de l'engueulade et des aboiements, et que j'ai trépigné (intérieurement, seul le filet de saumon en a fait les frais) en le voyant aux prises avec un syndrôme "dame aux camélias", tout en espérant toujours que la caméra se décide enfin à quitter les (certes somptueux) salons du Grand Hôtel des Bains pour aller enfin se promener dans Venise... que l'on voit en définitive bien peu tout au long de ce film.
Enfin, l'essentiel, c'est que j'aie comblé ma lacune (avec un "c", hein ! ) : il faut voir Mort à Venise (si, si, il faut), mais on n'est pas rigoureusement obligé d'en tomber raide dingue sur-le-champ. Et pour preuve de notre bonne foi, si on en a l'occasion, on ira faire, au prochain séjour, des photos du rio Menuo de Laverano ou du ponte de la Malvasia Vecchia, où le pauvre Dirk s'égara sur les pas du beau Tadzio... Au fait, quelqu'un sait sur quel campiello se trouvait le pozzo au pied duquel s'écroule notre malheureux héros ?
[Prochain film au programme : Don't Look Now]
Donc, j'ai acheté le DVD et, en compagnie de ma femme (qui l'avait vu —et adoré— il y a 25 ans) et d'un bon filet de saumon-salade verte (nourrissons notre sensibilié artistique sans oublier notre estomac pour autant), je me suis installé hier soir devant mon 16/9e pour prendre la mesure du chef-d'œuvre.
Ma femme m'avait tellement dit que ce n'était pas mon genre de film que je m'attendais au pire dans le genre "nanar prétentieux dans lequel des acteurs mal dirigés se regardent le nombril en essayant d'oublier l'absence de scénario (qui se prétend "dépouillé") et l'indigence des dialogues (qui se veulent "inspirés")" ; ce pire-là, en l'occurrence, étant pour moi le mémorable L'année dernière à Marienbad —qui, soit dit en passant, avait remporté le Lion d'Or à la Mostra de 1961, année de sa sortie. J'avais donc tout à craindre.
La première bonne surprise a été de constater que le film était en couleurs. Ce n'est pas que cela ait une importance particulière, mais moi qui m'attendais à un noir-et-blanc soi-disant esthétisant, je me suis senti agréablement pris à contre-pied.
La suite, il faut bien l'avouer, n'a pas été au diapason (et d'ailleurs, je ne suis pas un grand fan de Mahler ). D'abord, j'ai trouvé que Visconti abusait quand même pas mal des plans fixes interminables dans lesquels il ne se passe rien ou presque. Je sais, à l'époque ça faisait chic et intello, uniquement parce que Sergio Leone n'avait pas encore revisité le procédé. Après lui, c'est devenu ringard, jusqu'à ce qu'assez de temps se soit écoulé pour que l'on redécouvre Leone et qu'on le pare subitement de vertus que lui-même ne se serait jamais attribuées. En plus de ces plans larges de chez je-m'ennuie, j'ai été très (désagréablement) surpris de constater que Visconti, à qui on devait avoir montré ce qu'était un objectif zoom pour la première fois de sa vie à la veille du tournage, en usait et en abusait, à tel point qu'on se serait parfois cru dans Mission impossible (pas le film, la série des années 70) ou dans Mannix, le scénario en moins ; tous les étudiants de la FEMIS et d'ailleurs savent bien qu'au cinéma, on évite absolument d'utiliser le zoom qui déforme les perspectives et fait caméra-de-papa : c'est la caméra qui bouge, sur un travelling, mais la focale reste fixe.
Pas chez Visconti ! On a bien eu droit, tout au long du film, à une demi-douzaine de ces coups de zoom (avant ou arrière, voire les deux ! ) exaspérants et brutaux, que même Monsieur Hulot n'aurait pas osé nous infliger.
Disons-le clairement : en résumé, côté mouvements de caméra, on n'a pas été gâté.
L'histoire (à défaut de scénario) étant connue, restait à voir quels allaient être les moyens employés pour parvenir à la fin (je n'ai pas lu le bouquin de Thomas Mann).
Tout d'abord, il faut que je vous dise que je ne suis quand même pas un total Béotien. Je souligne d'ailleurs au passage que la réputation faite à cette charmante province voisine de l'Attique est honteuse, puisque c'est au milieu des Béotiens que les Muses —excusez du peu !— avaient choisi d'élire domicile, en l'occurrence sur le mont Hélicon... les Athéniens devaient être le genre de snobinards culturalo-égocentristes, pas très éloignés, somme toute, de nos Parisiens d'aujourd'hui, qui auraient adoré Mort à Venise —mais ne déflorons pas le sujet. Pas un total Béotien, disais-je, puisque, pour ne parler que de cinéma, je considère Blow-Up, d'Antonioni, comme un film remarquable, et pas parce qu'un photographe en est le personnage principal. Pourtant, question solidité scénaristique et mouvements de caméra qui vous clouent au fauteuil, y a mieux. Si vous n'êtes pas convaincu par cette référence, laissez-moi vous dire que j'aimais déjà les Gnosiennes de Satie avant que je ne sais quelle Pythie de la nuit nous les serine sur une radio périphérique (à moins que ce ne soit un philosophe, mais bref, c'était à la radio en tous cas) ; ça en dit long sur mes capacités à jouer les snobinards intello-chose, là, non ?
Eh bien, en dépit de ce casier judiciaire plutôt prometteur, je dois bien admettre, à ma grande honte, que passée la première demi-heure de curiosité pour un esthétisme un peu suranné et plutôt bien rendu, je me suis copieusement ennuyé devant les tribulations de ce malheureux compositeur bavarois, que j'ai ri sous cape en le voyant systématiquement interagir avec cet "ami" sur le mode de l'engueulade et des aboiements, et que j'ai trépigné (intérieurement, seul le filet de saumon en a fait les frais) en le voyant aux prises avec un syndrôme "dame aux camélias", tout en espérant toujours que la caméra se décide enfin à quitter les (certes somptueux) salons du Grand Hôtel des Bains pour aller enfin se promener dans Venise... que l'on voit en définitive bien peu tout au long de ce film.
Enfin, l'essentiel, c'est que j'aie comblé ma lacune (avec un "c", hein ! ) : il faut voir Mort à Venise (si, si, il faut), mais on n'est pas rigoureusement obligé d'en tomber raide dingue sur-le-champ. Et pour preuve de notre bonne foi, si on en a l'occasion, on ira faire, au prochain séjour, des photos du rio Menuo de Laverano ou du ponte de la Malvasia Vecchia, où le pauvre Dirk s'égara sur les pas du beau Tadzio... Au fait, quelqu'un sait sur quel campiello se trouvait le pozzo au pied duquel s'écroule notre malheureux héros ?
[Prochain film au programme : Don't Look Now]
Dominique_R- Admin
Re: Bon... J'ai vu "Mort à Venise"...
Je n'ai pas dit qu'ils étaient étranges (je crois), j'ai juste dit qu'ils étaient barbants !
Et, au fait, bienvenue à toi sur le forum ! Je reviens tout juste de Venise, mais si tu as un moment, n'hésite pas à te présenter et à nous en dire un peu plus sur toi...
Et, au fait, bienvenue à toi sur le forum ! Je reviens tout juste de Venise, mais si tu as un moment, n'hésite pas à te présenter et à nous en dire un peu plus sur toi...
Dernière édition par Dominique_R le Mer 7 Oct - 11:49, édité 1 fois
Dominique_R- Admin
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